La récente arrestation en République Dominicaine d’un colonel, de deux capitaines et de sergents de police impliqués dans le vol de 900 000 munitions soulève des questions cruciales, non seulement pour les Dominicains, mais surtout pour leurs voisins haïtiens. Alors que cette affaire fait scandale au-delà de la frontière, elle met en lumière des dynamiques inquiétantes dans les relations entre les deux pays.
Qu’un tel vol ait pu se produire au sein même de l’institution chargée de maintenir l’ordre en République Dominicaine est déjà alarmant. Mais ce qui est encore plus troublant, c’est le silence sur la destination de ces munitions. Pour Haïti, pays en proie à une insécurité grandissante, la probabilité que ces projectiles finissent dans les mains des gangs armés est bien réelle.
Depuis des années, des rapports indiquent que des armes et des munitions transitent clandestinement de la République Dominicaine vers Haïti. Ce scandale ne fait que confirmer ce que beaucoup craignent : l’existence de réseaux bien établis exploitant les failles des deux systèmes pour alimenter un marché illégal, souvent avec la complicité d’acteurs étatiques.
La frontière entre Haïti et la République Dominicaine est depuis longtemps un point névralgique, non seulement pour les échanges économiques, mais aussi pour les activités illicites. Ce dernier scandale met en évidence une gestion laxiste, voire complice, de cette frontière par les autorités dominicaines. Chaque balle qui traverse cette ligne invisible est une menace potentielle pour une vie en Haïti, un pays où les gangs contrôlent des territoires entiers et imposent leur loi.
La République Dominicaine ne peut ignorer les répercussions de ses propres défaillances sur Haïti. La sécurité régionale est un jeu à somme nulle : lorsque l’un des deux pays vacille, l’autre en subit les conséquences. Refuser de reconnaître la réalité de ce commerce d’armes transfrontalier revient à fermer les yeux sur une contribution indirecte mais réelle à l’insécurité haïtienne.
Les autorités dominicaines dénoncent régulièrement les effets de l’instabilité haïtienne, en particulier les migrations massives. Pourtant, elles semblent peu enclines à enquêter sérieusement sur les acteurs et réseaux dominicains qui alimentent cette insécurité. Ce double discours, qui prône d’un côté la stabilité régionale et ferme les yeux sur les trafics de l’autre, est non seulement hypocrite, mais dangereux pour les deux nations.
Pour contrer ces flux illégaux, une coopération renforcée entre les deux pays est indispensable. Haïti, malgré ses propres faiblesses institutionnelles, doit insister sur des mécanismes bilatéraux de contrôle et de partage d’informations. De leur côté, les autorités dominicaines doivent faire preuve d’une volonté réelle de s’attaquer à la corruption dans leurs rangs.
La sécurité d’Haïti ne peut pas être garantie si ses voisins continuent d’alimenter ses blessures. Ce vol massif de munitions est un signal d’alarme : il est temps que la République Dominicaine assume pleinement ses responsabilités dans cette crise régionale.
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